De l’aigle il possédait la force, le courage et le regard. Le hockey sur glace, le CP Fleurier et les Aigles du Genève Servette furent sa passion.
Jamais je n’oublierai ma rencontre avec Adrien au mois d’août 2008. Situation exceptionnelle dans le service, il y a trois « hommes » de 18 à 21 ans et on compte sur moi pour leur proposer du coaching sportif afin de les distraire.
Première rencontre, il est recroquevillé dans son lit, le moral n’est pas au beau fixe et d’emblée il va me tester, me parle de sa maladie avec une franchise rare et me plante ses yeux verts dans les miens histoire de voir si je soutiens son regard. Bien que passablement destabilisée par son message je tiens le choc et je lui parle de sport. Déjà c’est un vrai coup de coeur.
Surprise, il s’anime, il est preneur et rapidement le mot magique est prononcé, hockey sur glace. Il me raconte son parcours au HC Fleurier, s’intéresse à celui de mon fiston et nous bavardons avec enthousiasme, il s’est redressé et s’est assis droit dans son lit.
Durant de nombreuse semaines il sera en isolement suite à une greffe de moëlle osseuse et je lui proposerai des séances de sport adaptées à son état de santé et surtout à la fragilité de ses os.
Très vite je vais m’attacher à ce jeune homme franc, direct et malicieux. Notre relation est riche et remplie de confiance. Très rapidement nous partagerons beaucoup de rires mais aussi des larmes et de la colère. Il me raconte sa famille, ses parents, son grand frère, son modèle, Julien et la joie qu’il ressent à chacune de ses visites est touchante. Il me parle de son univers, de Môtiers son village, de son poulailler et surtout de ses copains qui lui manquent tant.
Quand on lui pose la question d’un rêve à réaliser, il balaye la question d’un geste et répond que son seul désir est de voir ses potes et de boire un verre avec eux à la ferme.
Voilà peut-être ce qui m’a touché, une simplicité, une authenticité et un sens des vraies valeurs. La franchise, l’amitié, l’amour de sa terre, de la nature et du sport.
Le championnat de hockey va reprendre et mes amis du Servette vont offrir à Adrien un superbe maillot dédicacé spécialement pour lui qu’il va accrocher dans sa chambre.
Il me confie son envie de vivre un match au Vernets et nous organisons cette soirée inoubliable pour le 3 janvier. La rencontre contre Berne, gagnée par les Aigles et le fameux lancer de peluches, nous les vivrons ensemble avec son papa et son frère. Un moment d’émotion intense, 6000 peluches pour la pédiatrie et autant de messages d’espoir pour les enfants.
Nous sommes en janvier, le voyage à Paris approche et un projet que jamais je n’avais osé espérer se dessine. Grâce au Docteur Hulya Ozsahin, Adrien va pouvoir venir avec nous ! Je n’ose pas y croire et avant de le voir à la gare le matin du départ je tremblerai qu’il ne doive y renoncer.
Je tiens à remercier du fond du coeur Marie-Claude et Serge, les parents d’Adrien, qui nous l’ont confié trois jours. C’est un cadeau inestimable que votre confiance et tous les souvenirs que vous nous avez offerts, nous qui avons eu le privilège de passer ces trois jours avec lui.
Aujourd’hui je veux me rappeler son enthousiasme, son bonheur et sa joie durant ce voyage. Sa relation avec l’autre Adrien, tout de suite complice, son appétit retrouvé,
sa voix forte que nous ne connaissions pas à l’hôpital et qui a surpris tout le monde, son humour et ses talents de chanteurs. Dans le groupe c’était lui le leader et les plus jeunes le respectaient. Tout ce qu’il vivait l’enthousiasmait et malgré un programme chargé, jamais il n’a voulu aller se reposer à l’hôtel.
Si vous aviez pu le voir dans les bras des agents de sécurité du concert, lui si blanc et frêle, porté par deux montagnes de muscles noirs, une image incroyable et toujours ce regard lumineux et rieur.
Ce voyage nous a encore beaucoup rapproché et son énergie étant décuplée il m’a parlé de son désir très fort de venir en Corse pour le Défi des Etoiles 2009. J’avais l’impression d’être dans une autre dimension lorsqu’il comptait les injections qui restaient jusqu’au départ afin de rendre ses os plus solides lui permettant de participer à toutes les activités.
Je voulais tellement y croire, au fond Paris était déjà une vraie victoire alors pourquoi pas la Corse et puis avant il y avait les Championnats du Monde de hockey à Berne au mois de mai, le cadeau qu’il voulait faire à son frère et que je m’étais engagée à réaliser.
Et puis il y eu le retour, il ne voulait pas rentrer, retourner à l’hôpital mais avant d’arriver à Genève ce merveilleux fou-rire en gare de Bellegarde, j’en ai pleuré de rire durant de longues minutes.
Ses parents nous attendaient et j’ai lu dans leurs yeux quand ils ont vu Adrien toute leur joie et leur émotion. Leur fils avait vécu un vrai bonheur durant ces trois jours et était revenu transformé.
La semaine qui suivit fut difficile pour le moral. Le vendredi nous avons beaucoup parlé de notre expérience parisienne, de la rencontre avec tous les artistes et surtout du futur, la Corse, Berne, les plays-off du championnat de hockey et les équipes qu’il voulait voir jouer à Berne.
Je suis partie en vacances et mercredi dernier si je suis descendue en pédiatrie ce fut pour lui dire au revoir. Son corps, épuisé par tant de mois de combat et de lutte ne réagissait plus, il était arrivé au bout de sa route, trop tôt, beaucoup trop tôt.
Si j’ai tenu à vous parler de lui et à partager ma révolte et mon immense chagrin avec vous tous, les amis de Courir…Ensemble c’est pour rendre un hommage à son courage et à sa volonté et surtout parce que grâce à toutes les énergies qui gravitent autour de notre association nous avons pu lui offrir de vrais moments de bonheur et de joie et que son exemple doit me servir et nous servir à avancer pour tous les autres.
Son départ ne doit pas être une fin, cela ne serait pas supportable, il est maintenant dans le coeur de tous ceux qui ont eu le privilège de partager un bout de chemin avec ce merveilleux jeune homme et le souvenir de son énergie et de son humour va nous aider à encore et toujours nous battre pour tous les enfants.
Salut à toi mon hockeyeur du Val de Travers, comme je te l’ai promis, je viendrai courir dans ta région, j’espère que quand je passerai devant ton poulailler j’y verrai des poules gambader, repose-toi maintenant, tu l’as bien mérité et merci pour tout ce que tu m’as apporté, jamais je ne t’oublierai.
VISEZ TOUJOURS LA LUNE, MEME SI VOUS LA MANQUEZ, VOUS ATTERRIREZ PARMI LES ETOILES.
(Les Browm)