Dimanche 27 avril, seule devant mon écran, une foule d’émotion se bousculent au moment de partager avec vous cette journée magique que nous avons vécue avec Romain.
Je l’ai rencontré il y a environ deux ans en Médecine A1, un petit vaudois de quatre ans que la vie n’avait pas ménagé car grand prématuré, il arrivait avec un ostéosarcome de la jambe qui, vraisemblablement, nécessiterait une amputation au-dessus du genou.
Premier contact avec Véronique sa maman et premiers bricolages avec Romain, oui il prend plus de temps qu’un enfant de son âge pour terminer ce qu’il entreprend mais avec son humour et son enthousiasme, ce petit bonhomme me touche et très vite je me réjouis de chaque moment partagé.
Bientôt l’opération est programmée, regarder une dernière fois cette jambe, et trouver les mots justes lorsque les questions se font précises et directes. S’habituer à ce gros pansement, à ce petit bout de jambe qui remue et surtout être totalement subjuguée par le courage et la faculté d’adaptation incroyable de Romain. Alors, faire comme lui, rire de tout et apprécier encore plus ces moments d’échange que j’ai le privilège de partager avec lui.
Lentement, il s’habituera à sa prothèse, réapprendra à marcher, à faire du vélo, retournera à l’école et ne viendra à Genève que pour des contrôles réguliers.
Mais je suivrai toujours de près les progrès de Romain, car dès le début de son hospitalisation, j’ai appris que son oncle et sa tante, Marc et Alicia sont des coureurs à pied passionnés et cet amour du sport va nous réunir puisque nous serons alors tous suivis par le même coach.
Lors de la randonnée de l’Etoile Filante, Romain prendra fièrement place dans la charrette tirée par Olivier et c’est lui qui coupera la ligne d’arrivée avec son petit vélo à Athenaz.
Lors de la Midnight Run de Lausanne, Alicia me parle de son projet. Lors des 20km de Lausanne, ses deux fils vont participer à la course pour un petit plaisir. 2km sans classement ouverts à tous. Elle m’explique son désir que Romain puisse également être de la fête, comme ses cousins mais qu’il manque quelqu’un pour l’accompagner.
Je n’ose pas me réjouir trop vite, est-ce qu’elle va me le demander ou pas? Et oui, c’est à moi qu’elle a pensé. C’est un vrai cadeau à deux jours de Noël. Mais ne pas se réjouir trop vite, Véronique, la maman n’est pas convaincue et nous ne voulons rien bousculer, cette course doit être le plaisir et le souhait de Romain, pas celui des adultes.
Le temps fera bien les choses et, une fois que la météo et la varicelle auront été écartées, nous nous retrouverons sous un soleil radieux à Lausanne.
Il y a toute la famille de Romain au grand complet et sa famille d’un jour, celle de Courir…Ensemble. C’est très émouvant de voir réuni autour de ce petit bonhomme qui est maintenant connu depuis qu’il est en photo dans Le Matin, tous ses supporters de jaune vêtus.
Claude qui revient de blessure accompagne Sarah, Laurette est venue avec toute sa famille bien qu’elle ne puisse pas courir, les inscriptions étant terminées, Isabelle ne courra pas les 10km mais tient Lucas par la main et terminera la course avec lui quand du haut de ses 4 ans, il ira tellement vite que sa maman Véronique n’arrivera pas à le suivre. Marc est avec Pierrick qui veut « faire un temps » et Alicia coure avec Yoann qui pour le moment se cramponne à la main de Romain.
Et puis je sais que tout plein de monde est avec nous en pensées, j’ai reçu des tas de sms et de mails ce qui m’a beaucoup ému.
Nous attendons le départ, j’ai montré à Romain comment mettre en route mon chronomètre, il ne me lâche pas la main et, à quelques secondes départ, plante ses grands yeux dans les miens et me dit: « On va jusqu’au bout les deux, on est des champions! »
Heureusement que le starter a donné le départ, j’ai ravalé mes larmes pour plus tard….Nous nous sommes mis en route et courageusement, malgré la chaleur Romain a essayé de courir. Geste rendu très pénible à cause du poids de sa prothèse et bien vite il a adopté une allure de marche qui lui demandait quand même un énorme effort. Ayant emporté un camelback avec de l’eau, j’ai pu le désaltérer mais j’ai mesuré à ce moment le long chemin que nous devrions accomplir jusqu’à la ligne d’arrivée.
Tout en encourageant Romain, je repensais à mes séances d’entraînements difficiles de ses dernières semaines, à mes temps qui régressent, et tout cela me paraissait tellement dérisoire à côté de ce petit bout d’homme qui se battait avec courage, pas après pas pour avancer. Après 400mètres, Alicia a alors eu une parole qui allait tout changer. Elle lui dit: « Romain, lance ta jambe comme pour sautiller ». Au lieu du déhanchement qui lui demandait tant d’effort, Romain a trouvé une technique incroyable en projetant sa prothèse bien droit devant et en sautillant sur le pied opposé. Voyant que cela marchait, j’ai fait pareil et nous avons sautillé tous les deux, mètres après mètres, sa petite main toujours accrochée à la mienne et accompagnés de Yoann et Alicia. Grâce à mon Gramin, j’ai pu lui dire le chemin que nous avions encore à parcourir et j’ai essayé de l’encourager le plus possible tout en restant très attentive à son plaisir. S’il ne s’était plaint ou avait montré des signes de douleur ne serait-ce qu’une seule fois, je me serais arrêtée de suite, quitte à le porter mais ne jamais faire passer ma joie et mon émotion avant la sienne était une évidence.
Courageusement nous avons avancé, et le stade est apparu avec Marc qui, ému lui aussi attrape l’autre main de Romain et l’entraîne dans un véritable sprint final. Nous terminons tous ensemble, les grands les petits. A l’approche de l’arrivée Romain lève les bras au ciel, comme les champions et passe la ligne seul avec toute sa famille élargie qui crie son prénom.
Quelle course.
Enfin terminé, les enfants ont soif, les grands se regardent, les yeux sont brillants, nous avons tous vécu un grand moment de partage et d’amour et surtout un immense espoir pour tous ceux qui se battent contre cette fichue maladie.
Viendra enfin la cérémonie protocolaire durant laquelle, grâce à la gentillesse des organisateurs, Romain montera sur le podium pour recevoir la coupe de l’Exploit sportif. Coupe avec laquelle il s’est endormi le soir…Lucas, Yoann et Pierrick ont aussi reçu la médaille du meilleur accompagnateur.
Pour terminer, je voudrais adresser quelques mots personnels à Romain et aussi à Véronique, sa maman que je voudrais remercier du fond du cœur pour le bonheur qu’elle m’a offert en me confiant son petit bonhomme.
Romain,
En rentrant de New-York, marathon durant lequel je suis allée au bout de moi-même, je me suis souvent demandée que pourrait-il y avoir de plus fort, quand pourrais-je à nouveau ressentir cette émotion qui dévaste tout, ces quelques secondes dont on voudrait qu’elles durent toujours et que l’on se rappelle lorsque la vie nous joue des mauvais tours. De ces moments que même les mots n’arrivent pas à exprimer la force.
Et bien la réponse c’est toi, du haut de tes six ans qui me l’a apportée. Le bonheur que j’ai ressenti tout au long de ces 2km a été encore plus magique qu’à New-York parce qu’il a été partagé avec toi, toi et ton courage, toi et ton rire, ton humour et cet amour que tu offres sans calcul et sans intérêt.
Merci de m’avoir rappelé, dans une période difficile de ma vie que le plaisir et la joie du sport ne servent à rien s’ils sont solitaires mais enrichissent tellement lorsqu’ils sont partagés.
Tu m’as fait vivre ma plus belle course, 2km en 24minutes 58secondes de pur bonheur. Une leçon de vie.
Romain, tu es ma plus belle émotion sportive et je t’aime très très fort.
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