Skip to main content

Un Chemin de Liberté (partie 4)

By décembre 6, 2022août 22nd, 2023Actualités, Marathon de New-York 2022

Les premiers mètres de notre chemin de liberté sont un peu comme un lâcher d’hirondelles. Nous nous sentons tous légers avant de gravir le pont suspendu du Verrazzano qui va très vite nous relier à Brooklyn.


L’air de New York New York chanté par Franck Sinatra nous accompagne.

Nous évacuons nos différentes peurs rapidement : pourra-t-on facilement récupérer notre fauteuil et son pousseur sur le chemin ; aurons-nous la possibilité de retrouver rapidement Florence, notre photographe ;
Les autres ados et leurs accompagnateurs pourront-ils nous rejoindre facilement aux points de rendez-vous prévus sur le parcours et à l’arrivée ?



Mais c’était écrit avant, vu l’enthousiasme et l’acharnement mis dans la préparation, tout allait bien se passer.
Le pont du Verrazzano est connu de tous les marathoniens au monde. C’est le point de départ de ce mythique marathon de New-York.
Ce pont construit en 1954, qui était jusqu’en 1981 le plus long pont suspendu du monde est à double niveau.
Nous avons la chance de le franchir par le dessus. D’autres coureurs sont en dessous de nous, mais nous ne les voyons pas, d’où une impression d’être un peu seuls, alors que nous sommes bien 50 000.
C’est aussi l’intérêt des départs par vagues. En tournant la tête à droite, c’est le seul moment de la course où nous verrons l’océan Atlantique, un vague trait entre nous et le vieux continent.

Ce qui saute toute de suite aux yeux et aux oreilles dès que le 1er pont est franchi, c’est que nous n’allons pas vivre quelque chose d’ordinaire. Pas de vague à l’âme :la ferveur des new-yorkais crève les yeux.
On ressent totalement qu’ils sont ravis, soulagés, envieux d’accueillir à nouveau le monde entier.


L’accueil à l’américaine, c’est un peu comme le show à l’américaine que nous avons vu hier au Madison Square Garden: on sait que ça existe, on devine que c’est incroyable, mais il faut l’avoir vécu pour le comprendre.

Partout, les habitants brandissent des pancartes plus sympa ou drôles les unes que les autres.
« You are amazing » , « awesome », « stunnner runner », « run strong, run happy »…

D’autres pancartes doivent nous donner du « power » si on les boxe.



D’autres enfin affichent en énorme la photo de leur protégé afin que chacun sache que leur héros est là, sur la grande scène colorée.

Bref, nous sommes les rois du monde, et l’enthousiasme des new-yorkais pour tous ces héros est très très impressionnant.
Pourtant, comme l’écrit si bien Jacques Prévert « L’étoffe des héros est un tissu de mensonges. » Nous avons envie de crier, les héros ce ne sont pas nous, mais bien plus les jeunes que nous portons avec nous et leurs familles qui nous suivent depuis la Suisse et la France.

Le truc qui saute aux yeux est l’incroyable motivation des coureurs.
La plupart ont confectionné (comme nous d’ailleurs) des TS spécifiques pour la course.

L’un court pour telle personne, l’autre court pour telle association…
Il y a beaucoup de maillots contre le cancer quand même. On voit bien que partout, ce sujet est celui qui touche de plus près nos entourages.

Nous sommes donc pile dans l’esprit de ce marathon de NY.
C’est le moment au passage de remercier toutes les personnes qui nous ont soutenu financièrement ou autre dans cette aventure.

Certains ont leurs mécènes affichés sur leur maillot, nous nous les avons bien au chaud dans notre cœur.

2ème constatation dans les coureurs, c’est que ce marathon rassemble vraiment tout le monde.
On n’est pas ici sur un concours de testostérone avec des coureurs affûtés comme des lames de rasoir.
Non, c’est la diversité le maître-mot.
Nous croisons des handicapés divers, accompagnés de guides, les fameux « Achilles », une institution caritative américaine au service de l’inclusion.
Que de beaux exemples de courage et de résilience dans ce peloton.
Nous faisons une bonne partie du parcours avec un handicapé qui meut son fauteuil en marche arrière avec ses pieds visiblement un peu cabossés, et l’aide de 2 guides aussi souriants et fiers d’être là que nous.
Nous cheminons avec 2 dames d’un âge visiblement très très respectable, qui elles aussi, représentent ce modèle de courage dévolu aux marathoniens dans l’imaginaire populaire.

Vincent et Raphaël ont vite trouvé une zone pour poser le fauteuil et nous attendre pour faire la course tous ensemble, Florence, notre photographe officielle, accréditation autour du cou, a trouvé une place juste après le pont, dans un trou de souris pour commencer ses photos, et ensuite courir un bon bout avec nous ; tandis que nos ados ont trouvé une place au milieu de Brooklyn pour nous supporter et participer à la fête.




La traversée de Brooklyn est très longue en fait, avec de longues lignes droites. Mais jamais nous n’avons l’impression que c’est pénible ou lassant.
Le spectacle est partout autour de nous.

Enfin au complet après avoir récupéré Raph, Vincent et le fauteuil, nous pouvons commencer à découvrir ce que nous sommes venus chercher : la ferveur et l’enthousiasme des américains pour soutenir une cause.
Le fauteuil est acclamé partout où il passe.
Nous haranguons la foule qui nous le rend bien.
Raph est déchaîné lui aussi : depuis son fauteuil, il salue la foule à l’américaine avec moult gestes de fraternité et de gratitude.


Nous retrouvons au kilomètre 12 la team ados et accompagnants, qui a pris le métro pour nous retrouver sur le parcours.

Ce moment est magique : l’équipe est au complet. Nous nous embrassons, congratulons avec la force engrangée tout au long de ce début de chemin de liberté.
Les ados sont déchaînés d’enthousiasme. Ils ont pris toute la force stockée au long de ces avenues, pour nous la restituer maintenant comme des batteries qu’on ne pourrait jamais décharger.

Nous les quittons à regret pour aller maintenant achever notre quête.



Jusqu’à présent, il n’y a rien à jeter dans cette course que nous vivons avec une rare intensité.
Détail amusant pour moi qui travaille dans le monde du déchet, impossible de ne pas voir les bennes à ordures ménagères stationnées tout le long du parcours dans les croisements.
Elles servent de dispositif anti-intrusion. Je vais discuter avec un chauffeur qui est tout surpris quand je lui dis que nous sommes collègues et que je trouve génial qu’ils participent à la fête.

Sur le bord de la route, tous les miles, il y a des ravitaillements en eau et en boisson énergétique.

Nous passerons pudiquement sur la gestion du recyclable et des déchets dans ce genre de point de passage pour 50 000 coureurs.


Seul aspect positif : les gobelets étaient tous en carton, qui comme chacun sait, est recyclable jusqu’à 7 fois, à condition d’être trié bien entendu.
Mais évidemment, là aussi c’est l’enthousiasme et la chaleur des bénévoles qui nous saute aux yeux. Partout, tout le temps, un mot d’encouragement, un sourire.
Bref, un ravitaillement permanent en bonheur recyclable à l’infini.

De bonne heure, d’ailleurs parlons-en.
Nous nous étions jurés avant la course de courir ensemble, au rythme du plus lent ou de la plus lente.
Carole ayant un peu accumulé les pépins de santé avant la course, nous savions que ce serait elle notre pièce maîtresse à soutenir.

Comment ne pas dire un petit mot sur son courage et sa détermination. Ce sont les mêmes d’ailleurs que ceux qui lui ont permis d’organiser de main de maître tout ce voyage depuis bientôt 3 ans.
Nous avons tous suivi que Carole était un peu au fond du trou un mois avant le début du voyage, terrassée par un covid particulièrement rebelle et difficile à soigner.

C’est donc une expérience de courage partagé avec tous que Carole va nous faire ressentir.
Dès le début, elle nous annonce qu’elle alternera 9 minutes courues et une minute marchée, afin de ne pas s’emballer.
Le plan est tenu à la lettre, malgré l’effervescence du départ.
Mais ce qui est incroyable, c’est que Carole va réussir à tenir ce rythme jusqu’à la fin ou presque.

Là, celle elle qui nous emballe par sa détermination.

Premiers kilomètres, le sourire est là
Avec François, mon ange gardien, qui va me soutenir durant toute la course.
Au tour de Xavier de m’accompagner, les kilomètres défilent, le sourire s’efface.
Et disparaît…..
Central Park, derniers mètres, trop d’émotion, je craque.

Quel retour, alors que son médecin lui prédisait il y a moins de 3 semaines, que ce serait très improbable qu’elle puisse aller à NY et encore beaucoup plus improbable qu’elle puisse se présenter au départ d’un marathon… alors de là à le terminer… nouvel effet wahouuu.

Bref, la détermination de Carole qui court, concentrée sur sa course, imperméable aux innombrables sollicitations environnantes sera notre fil rouge.

C’est avant tout un beau symbole : nous allons la chercher, pour nos ados, cette médaille distribué en fin de course aux fameux « finisher ».

C’est avec la gniaque et les dents que Carole y va.
Comment ne pas y voir un symbole magnifique pour tous ces ados qui nous accompagnent, et qui ont suivi le même chemin auparavant à l’hôpital.

Nous suivons à distance la « course des ados », qui, après nous avoir croisés et galvanisés, vont maintenant aller mettre le feu sur la ligne d’arrivée pour nous accueillir dans quelques heures.

Oui, chacun a son chemin de liberté à tracer.

Carole est venue à New-York pour une raison très personnelle et bien précise :
Elle veut y laisser symboliquement son maillot gagné lors de son 1er marathon de New York en 2006, ce maillot meurtri et découpé sur le rail d’un tram à Genève, suite à cet accident de vélo qui laissé son épaule aujourd’hui encore si souffrante, mais mobile, au prix de centaines d’heures de rééducation et de soins.

J’espère que mon pull recousu tiendra chaud à quelqu’un qui en aura besoin cet hiver à New York

Mais le marathon, c’est dans la tête, et Carole a aussi plein de raisons plus personnelles de faire de cette course une quête pour se remettre la tête et le coeur à l’endroit.

Bref, Carole court pour les enfants, les coureurs courent pour et avec Carole et son épaule, les ados nous soutiennent tous et la population de NYC nous porte dans notre quête…
Comment ne pas arriver au bout tous ensemble après tout cela ?

Alors ce sera long et difficile.
Notre périple est suivi tout le long sur Instagram dans plein d’endroits. Les messages crépitent sur les téléphones. Quel suivi de dingues !
Nous savons que nous faisons pleurer dans les chaumières suisses et françaises en ce moment. Des parents de nos jeunes nous délivrent des messages un peu fous, eux aussi !
Nous le savons, et ça nous porte incroyablement.

Le peuple New-yorkais nous a réservé le meilleur pour la suite du parcours.

Nous allons à la rencontre des différentes communautés : communautés polonaise et ukrainienne qui affichent leur soutien à la résistance face à l’agresseur russe.

Nous traversons le quartier juif hassidique de Williamsburg. La communauté new-yorkaise présente ici est très traditionnelle : les hommes sont en noir, chapeau sur la tête, larges Peot (papillotes). Ils se pressent, tête baissée et ne s’intéressent pas au marathon. Les femmes, également en habit traditionnel semblent vivre à une autre époque : contraste saisissant que cette société new-yorkaise cosmopolite et si hétéroclite. C’est un réconfort de voir que chacun y a une place, et belle initiative que le parcours du marathon nous fasse rencontrer cette diversité.

L’ambiance est retombée d’un cran. Cela fait aussi du bien aux oreilles.
Nous finissons cette remontée de Brooklyn dans des quartiers très mélangés. Nous sommes encouragés par de nombreux portoricains et mexicains sur le parcours qui arborent fièrement drapeaux et sombreros.
A leur contact, nous nous sentons de lumineux héros. Décidément, nos melting potes nous portent.


Mais Brooklyn et ses longues avenues colorées de pancartes était un échauffement pour la suite.
Nous passons la marque du semi sur le pont Pulaski qui relie Brooklyn au 3ème borough que nous traverserons aujourd’hui : le Queens.
C’est raide. En hiver, le pont Pulaski pourrait être pris à ski. C’est le moment choisi par la pluie pour nous rafraichir un peu la tête.

L’arrivée au Queen’s se fait à la manière d’un col de montagne au Tour de France. Nous devons parfois nous frayer un passage avec le fauteuil pour fendre la foule en délire.
Le passage par le Queen’s n’est pas long, mais il est vraiment marquant : c’est une arène ce Queen’s.
Encore un peu, nous entonnerions un God save the Queen’s avec la foule.

Nous abordons maintenant le pont du Queensboro qui relie l’île de Long Island, avec une autre île bien connue, nommée Manhattan.


Le passage dans ce pont est un rare moment de silence.
Nous sommes dans la partie inférieure du pont, qui est à double étage.
Nous sommes donc dans un corridor de métal.
Ce pont, construit en 1906, est représentatif de l’architecture industrielle de New-York qui a fait sa renommée mondiale. Nous devinons les câbles du téléphérique de Roosevelt Island, qui jouxte le pont.
Il est connu pour avoir été magnifié dans une scène célèbre du film Manhattan, où Woody Allen et Diane Keaton filmés de dos, assis sur un banc au crépuscule, s’extasient de la beauté de la ville, le pont illuminé devant eux, et le téléphérique cheminant paresseusement derrière les piles en face.

« -Yeah, it’s really so pretty when the light starts to come up.
-Yeah, I know. I love it.
-Boy! this is really a great city. I don’t care what anybody says, it’s just so.. it’s a knockout, you know. »

Cette scène est d’ailleurs restée comme l’affiche du film.
Ce pont a plus récemment servi de décor à une scène du film Spiderman, où le héros appelé à régner doit choisir entre sauver Mary Jane ou les passagers du téléphérique.

Mais je perds le fil, nous sommes en plein ascenseur émotionnel. Nous envoyons des photos afin que nos supporters postent sur la toile les images marquantes de notre périple.
Il n’y a plus de spectateur, aucune raison de speeder, man.

Ce sera le seul moment de la course où nous entendrons les pas et les respirations des coureurs.
Nous en profitons pour discuter un peu avec les coureurs des différentes nationalités que nous rencontrons, en particulier les français et les suisses bien sûr.
C’est assez facile avec tous ces T-shirt distinctifs de reconnaître qui es qui.
Deviner les respirations de ceux qui ont un air suisse redonne du souffle à notre chemin.

La course est sur pause. Mais il ne faut pas sur-pauser.
C’est trop calme, j’aime pas trop beaucoup ça, j’préfère quand c’est un peu trop plus moins calme…

Donc nous chantons et dansons sous les arches pour mettre un peu d’ambiance, en essayant de lancer un bâbord-tribord… sans réel succès. Décidément, il y a du vent dans ce pont.
Maintenant, c’est notre groupe qui fait le spectacle au milieu des autres coureurs qui soufflent.

En effet, le coureur qui vient de monter sur le tablier de pont est un peu essoufflé au 1er abord.
Nous restons à tribord pour ne pas nous perdre. Eh oui, la consigne avant la course, était de courir toujours du côté droit de la route, pour être certains de se retrouver dans la foule.



A vrai dire, ce n’est pas très difficile de se retrouver : le fauteuil, et les hourras qu’il déclenche à chaque passage, ne trompe guère ; mais surtout, depuis loin derrière déjà, on voit les corps sautillants, sur ressort, des frangins jurassiens, Xavier et François, qui invectivent la foule en agitant les bras vers le haut.
« Make noise for Raphaël » – « Hi Raphaël, you’re amazing… you’re awesome. Good job men ». Combien de fois aurons-nous cet échange !

Ce 1er passage à Manhattan nous fait remonter la 1st Avenue, en plein ‘spanish Harlem’.
L’avenue est large, droite et en léger faux-plat descendant. On voit des coureurs à l’infini devant nous, et les très hauts buildings du Rockefeller Center derrière nous.
C’est le moment où normalement la foulée du coureur s’enterre, et il doit faire appel à la fondation Rockefeller pour trouver de nouvelles cuisses.
Nous sommes pourtant toujours sautillants et en pleine forme.
Ah oui, c’est vrai, je ne vous parle pas beaucoup des coureurs en fait.

Nous nous relayons pour pousser le fauteuil et Raph. Quand on est un peu fatigué, on peut même s’en servir comme d’un déambulateur tellement le fauteuil est véloce et peu lourd.
En général, un ou deux coureurs entourent Carole, qui est toujours en train de réaliser son pari insensé en serrant les dents, tandis que les coureurs restants font les cabris dans la foule ou les geeks de base pour diffuser nos aventures sur les ondes.


Les spectateurs doivent rester derrière une barrière. Les bâtiments ont tous gagné quelques dizaines de mètres par rapport à avant. Nous gagnons quelques kilomètres de notre côté.

Nous devons prendre la force du Bronx maintenant.

Le pont qui nous relie au Bronx à peine franchi, nous sommes accueillis par une foule en liesse.
L’aspect populaire et bigarré, de ce quartier multiculturel saute aux yeux.

Et là, c’est un Bronx incroyable. On n’arrive plus à s’entendre tellement il y a de bruit.
Partout depuis le début, nous avons croisé des orchestres, harmonies et autres groupes de rock ou de folk.

Maintenant, nous avons des DJ’s qui nous ambiancent à 120 BPM, et des haut-parleurs qui débitent partout du rap américain, ce cri de rage si caractéristique de ce quartier.
Nous voulons nous aussi crier de rage face à l’injustice de cette maladie, qui touche des enfants qui n’ont rien demandé.
Nous profitons des passages devant chaque bulle musicale pour prendre encore plus d’énergie, nous ne devons pas rapper notre objectif.
A chaque fois, ce sont des bulles pétillantes de bonheur qui s’offrent à nous. C’est un vrai marathon- champagne !
Nos efforts ne sont pas vains.

A un moment, je suis en train de pousser le fauteuil, et un DJ est en train de passer “I Will survive” de Gloria Gaynor. Nous sommes sous un pont, ça raisonne parfaitement. Un groupe de « Brooklyn runners » est massé sous le pont, avec pancartes et T-Shirt uniforme.



Évidemment, pour les français qui sont là, impossible de ne pas se poser et se mettre à danser, en se rappelant les bons moment de la coupe du monde 98.
Pour tous les autres, c’est un sommet du disco, et il n’y a pas de raison de ne pas en profiter pour un petit pas de danse.
Nous haranguons les Brooklyn runners, qui se mettent à danser à leur tour avec nous, en agitant leurs pancartes.

Derrière, le DJ a la bonne idée d’enchaîner avec la musique de Rocky.
Carole, tout sourire, entre dans la danse, elle qui était si concentrée jusqu’alors.
L’ambiance devient dingue, digne d’une boite de nuit.
Les autres coureurs passent, en nous regardant mi- souriants, mi- incrédules.
Nous profitons comme jamais de ce moment qui restera marqué je pense pour chacun d’entre nous comme le sommet de ce marathon.

Nous repartons au combat galvanisés et pleins de force.
La plupart d’entre nous ne sont pas des rookies en marathon, et pourtant, nous n’avions jamais vu une ambiance pareille, digne d’un combat de boxe au Madison Square Garden.
Quel kiff!


Nous quittons le Bronx pour retrouver à nouveau Manhattan.
Des pancartes nous indiquent que c’est le dernier pont.
Oui, ces ponts, c’est un peu un col du Tour de France à chaque fois.
Nous sentons que nous gagnons le maillot à pois, et la caravane passe.

Nous traversons le quartier de Harlem. Nous nous sentons comme des globe-trotters comblés dans leur quête.
Mais là, c’est encore possible de monter d’un ton ? On n’est pas déjà à fond dans la folie ?
Nous descendons la 5th avenue pour commencer à longer Central Park.

La foule est toujours plus nombreuse et enthousiaste. J’avoue que je n’ai pas tout imprimé de cette partie : j’étais en direct en vidéo avec un certain nombre de personnes qui nous ont soutenues dans ce projet, mais aussi ma famille pour leur faire partager ce moment unique dans une vie.

L’entrée dans Central Park se fait juste en contrebas du fameux « Reservoir » qui est LE spot à joggers de New-York.



L’ambiance est indescriptible. Les montées commencent à être difficiles pour tout le monde, mais les spectateurs se massent de chaque côté de l’allée et hurlent à notre passage.
Nous sommes survoltés. Chacun compte les panneaux qui égrènent en miles et en kilomètres la distance parcourue. Plus que 3 km, puis 2, puis un.



Nous alternons toujours la course et la marche. Cela permet de mieux se préparer à franchir tous ensemble cette ligne d’arrivée.
Il reste moins de 300 m. La ligne est en vue. Nous voyons tout le groupe massé sur les gradins. Ils nous attendent depuis le début de l’après-midi.

Ce final est le couronnement de toute notre course : Carole craque un peu, et nous tous avec. Elle va droit embrasser Vincent, son fils, et Roland, son mari, qui l’ont tant soutenue pour mener à bien ce projet, même après 3 ans de doutes et d’annulations liées au Covid.

Jayson, ton courage a été une source d’inspiration pour ne rien lâcher. Ce câlin a une grande valeur.

Carole YOU DID IT : la course et le projet.



Bruno est également très ému. Il partage ce moment privilégié comme coureur, mais aussi avec son fils, qui fait partie de nos ados. C’est son premier marathon, et avant la maladie de son fils et la rencontre avec Courir.. Ensemble, il n’aurait jamais imaginé réaliser ce genre d’exploit, à New York, de surcroit.



Ce serait difficile de décrire les sentiments de chacun sur la ligne, et il faut bien que je garde des choses à dire pour le bouquin, donc je finirai là pour le moment mon journal de cette aventure.
Si vous voulez voir des images de tout cela, allez vraiment voir les stories sur l’Instagram de Courir Ensemble.

Nos larmes, nous vous les dédions à chacun, qui lisez ces lignes. Ce que nous avons fait, c’est grâce à tous ceux, qui un jour, comme vous, se sont sentis concernés par les cancers pédiatriques.

Rien n’est impossible. Nos ados ont tous réussi à courir 5 kilomètres. Nous avons réussi à courir tous ensemble le marathon de New-York avec le fauteuil. Nous sommes fous, et c’est tellement bon.

Après le « Grain de folie » du désert marocain autour du marathon des sables, Courir.. Ensemble aura bientôt un deuxième livre à partager, cette fois ci avec en point d’orgue le grain de poussière qui a humidifié nos yeux sur cette ligne d’arrivée à New-York, et les magnifiques photos que Florence nous a préparées.

CLARA, OCEANE, LOUIS, TOM, JAYSON et RAPHAEL votre courage nous a donné une force incroyable. Vos familles ont été aussi une inspiration pour nous.
Vous me donnerez maintenant, je le sais, le courage d’aller au bout de ce projet de livre, pour achever ce merveilleux voyage et remercier Carole de tout ce qu’elle a fait.